Le point sur la France : l’ère post-Macron a-t-elle commencé ?

La France se trouve dans une situation de fragilité institutionnelle inédite, en l’absence de majorité claire au Parlement et dans un contexte de rejet du président Macron par une grande partie de la classe politique et de l’opinion publique.
Cette fragilité va de pair avec un relatif déclassement stratégique de la France sur plusieurs dossiers internationaux, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique.
Ses fondamentaux économiques restent solides, malgré une croissance faible et un ratio dette/PIB qui dépasse déjà les 100 %.
La situation politique de la France est marquée par une grande instabilité et une incertitude quant à l'avenir
Après la défaite de son parti aux élections européennes du 9 juin 2024, arrivé loin derrière (14,60%) le Rassemblement national de Marine Le Pen (31,37%), le Président a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale (la chambre basse du Parlement français) conformément à ses prérogatives constitutionnelles. Motivant cette décision inattendue par un besoin de « clarification », et dans l’espoir de retrouver une majorité au Parlement, il a pris de court tous les commentateurs politiques.
Elle a semé le trouble dans l’opinion publique et la classe politique, à commencer par ses propres fidèles – dont le Premier ministre Gabriel Attal – qui aurait été informé de sa décision à la dernière minute. Surtout, les médias et le système politique sont extrêmement inquiets de la possible victoire du Rassemblement national aux élections législatives, qui donnerait au parti d’extrême droite les clés du pouvoir pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République (1958).
Le résultat des élections législatives anticipées fait courir à la France le risque de devenir ingouvernable
Depuis sa victoire en 2017 sur Marine Le Pen du Rassemblement national, le président français Emmanuel Macron gouverne avec une majorité centriste, agrégeant les forces des deux anciens partis majoritaires de droite (Les Républicains) et de gauche (Parti socialiste). Il a été réélu en 2022 à la fin de la pandémie et au début de la guerre en Ukraine, mais n’a obtenu cette fois qu’une majorité relative au Parlement.
Le 30 juin, après la victoire au premier tour du Rassemblement national, qui arrive en tête avec 33,1 % des voix, suivi de la coalition de gauche Nouveau Front populaire (28 %) et de la coalition présidentielle (20 %), la perspective d’une majorité absolue pour le RN au Parlement a fait ressurgir un « front républicain », selon lequel tout candidat arrivé en deuxième position face à un candidat d’extrême-droite se retirerait.
Ce « front républicain » a fonctionné : au second tour, le 6 juillet, le RN et ses alliés ne sont arrivés qu’en troisième position avec 143 sièges, loin des 289 nécessaires pour obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête avec 182 sièges, suivi de la Majorité Présidentielle avec 168 sièges.
Le quatrième bloc, composé du centre-droit républicain, a obtenu 60 sièges, ce qui lui confère un pouvoir de blocage potentiel.
L’Assemblée nationale se trouve donc dans un état de fragmentation sans précédent dans l’histoire de la Vème République, ce qui rend très difficile la formation d’un nouveau gouvernement. En effet, aucun parti ne parvient à réunir une majorité autour de lui et aucune configuration ne semble susceptible de sortir de cette impasse institutionnelle.
Dans ce climat d'incertitude, plusieurs scénarios semblent se dessiner
Nous pouvons notamment nous attendre à ce que
- La formation d’un gouvernement basé sur une majorité hétéroclite, s’appuyant sur des partis issus de l’ensemble de l’échiquier politique – une hypothèse qui semble assez peu probable en l’état, sauf à former une majorité relative. C’est pourtant cette voie qui devrait occuper les prochaines semaines.
- A moyen terme, la nomination d’un gouvernement technique, dont la seule fonction serait d’administrer le pays, sans possibilité de légiférer, dans l’attente d’une éventuelle nouvelle dissolution dans un délai d’un an (délai constitutionnel incompressible pour dissoudre à nouveau).
- Enfin, on ne peut exclure une éventuelle démission du Président français sous la pression des différents partis – y compris certains de ses alliés – exigeant que la « clarification » soit menée à son terme. Il n’est cependant pas certain qu’une nouvelle élection permette au pays de sortir de l’impasse si aucune majorité ne se dégage au Parlement, ce qui pourrait entraîner une réforme institutionnelle et la fin de la Vème République telle qu’elle existe.
Les grandes réformes structurelles – assurance chômage, retraites – risquent d’être suspendues, avec des risques pour les finances publiques ou pour la réputation de la France au niveau européen.
Si vous souhaitez discuter plus avant de la situation politique intérieure et comprendre l’impact qu’elle aura sur le climat des affaires et le cadre macroéconomique, ainsi que sur la politique européenne et internationale, n’hésitez pas à nous contacter.
Marc Reverdin, directeur général,
Hakim El Karoui, conseiller principal,
Nous aidons nos clients à naviguer dans les dynamiques politiques et financières, de l’échelle régionale à l’échelle mondiale.