Actualisation Japon : vers un nouveau cycle politique ?

À l’approche de l’élection pour la présidence du Parti Libéral Démocrate (PLD), la direction politique du Japon demeure incertaine. Le Premier ministre Fumio Kishida, affaibli par un scandale politique et financier et une inflation persistante, a renoncé à se présenter à la présidence du parti, qui dispose toujours d’une majorité absolue à la chambre basse, laissant la course ouverte pour l’élection interne prévue le 27 septembre. Si celle-ci parait dominée par l’ancien ministre de l’Environnement Shinjiro Koizumi, elle demeure plutôt ouverte entre les neuf candidats déclarés.

Le défi du nouveau président du parti et futur premier ministre est de taille : rétablir, après le départ de Kishida, la dynamique politique autour d’un PLD fragilisé en vue des élections générales de 2025, y compris le cas échéant en les anticipant dès 2024. 

Après Yoshihide Suga et surtout Shinzo Abe (assassiné en juillet 2022), Fumio Kishida a cherché depuis 2021 à donner une nouvelle direction au Japon

Élu Premier ministre le 4 octobre 2021, Fumio Kishida a dirigé le PLD en s’appuyant sur un style de gouvernance modéré, dans la continuité de ses prédécesseurs Yoshihide Suga et Shinzo Abe. Ses principales priorités ont été la lutte contre les inégalités, la relance économique, la sécurité économique, la transition numérique et la relance de la natalité.

Bien qu’il ait poursuivi les « Abenomics » et les réformes de transition bas-carbone et numérique initiées par Suga, Kishida a cherché à se distinguer en promouvant un « nouveau capitalisme ». L’objectif était une meilleure redistribution des revenus en faveur des classes populaires et moyennes, tout en renforçant la sécurité économique, domaine pour lequel il a créé un portefeuille ministériel spécifique.

En dépit de cet effort de renouvellement, le Premier ministre a été de plus en plus fragilisé et contesté politiquement

Il est fragilisé à partir de décembre 2023 par le scandale des fonds politiques non déclarés issus de la vente de billets pour des rallyes politiques organisés par le PLD. Il ne parvient pas à limiter les conséquences politiques de l’affaire et sa popularité chute sous les 20%.

Sa responsabilité est directement pointée du doigt lors de recul enregistré par le PLD aux élections partielles du 28 avril 2024, avec trois sièges en moins à la chambre basse et la perte, pour la première fois depuis 1995, du bastion conservateur de Shimane.

Cette situation génère une inquiétude inédite au sein du PLD quant à la possibilité d’une défaite électorale lors des élections générales à venir en 2025, qui verra aussi l’élection triennale de la Chambre des Conseillers, la chambre haute du pays, où le PLD semble aussi en difficulté.

Poussé par une partie de son camp à dissoudre la Chambre des représentants pour reprendre la main sur le calendrier, Fumio Kishida tergiverse. Acculé, il annonce le 14 août 2024 qu’il ne sera pas candidat à sa succession à la présidence du PLD, et qu’il quittera de fait son poste de chef du gouvernement après un mandat de trois ans, suscitant le soulagement d’une partie de son camp.

La compétition pour la présidence du PLD, dont l’élection est prévue le 27 septembre, est intense, et son issue incertaine

Même si aucun prétendant ne se distingue clairement, l’ancien ministre de l’Environnement Shinjirō Koizumi est en tête des sondages, talonné par Ishiba Shigeru – qui se présente pour la cinquième fois à l’élection interne du PLD.

La candidature de l’ancien secrétaire général du cabinet, Katsunobu Kato, ajoute une touche d’imprévisibilité à une élection déjà complexe, avec maintenant neuf candidats en lice – dont trois ministres sortants – pour la présidence du PLD.

En parallèle, Natsuo Yamaguchi, président du Komeito, troisième parti politique au Japon et allié du PLD, a surpris en annonçant qu’il ne se représenterait pas aux prochaines élections, après avoir dirigé son parti depuis 2009.

Dans ce contexte, on ne peut exclure que le nouveau premier ministre cherche à accélérer le calendrier électoral en appelant des élections générales dès 2024. Reste à savoir si le PLD saura l’emporter lors de cette échéance mais aussi lors de l’élection de la chambre des conseillers en 2025. Une défaite à l’une ou à l’autre de ces échéances précipiterait probablement la chute du nouveau premier ministre.

En plus des défis internes, marquée par une instabilité politique inédite, et en dépit des bons chiffres de la bourse de Tokyo, le Japon continue de faire face à une contraction de son économie et à une inflation croissante.

Sur le plan stratégique, le gouvernement doit poursuivre la mise en œuvre d’un budget de défense sans précédent, dans un contexte marqué par des relations particulièrement tendues avec Pékin, mais aussi avec la Russie et la Corée du Nord.

Dans ce contexte, comme en Europe, les élections américaines imminentes sont scrutées avec attention et inquiétude compte tenu des conséquences aussi bien politiques qu’économiques que leur résultat pourrait avoir pour l’archipel.

Marc Reverdin, Managing Director, mr@reverdin.eu

Hervé Couraye, Expert Japon, herve.couraye@gmail.com

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