Retour sur un panel du comité de sécurité alimentaire (Rome, 23 octobre 2024)

Le 23 octobre 2024, au cours de la 52e session plénière du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CFS 52), un panel a réuni d’éminents experts d’organisations internationales et d’institutions financières pour discuter de stratégies visant à renforcer la collaboration et à intensifier les efforts pour combler le déficit de financement dans les systèmes alimentaires durables et le soutien aux exploitations agricoles familiales.

Ce side event a été organisé conjointement par l’ECDPM, le FIDA, l’EAFF, le Brésil, la Banque mondiale, le Forum de Paris pour la paix, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, la Fondation Afrique Europe, l’Université polytechnique Mohammed VI, le Forum rural mondial et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Le panel a souligné la nécessité de modèles de financement innovants, d’une meilleure collecte de données, d’initiatives de dérisquage et d’une collaboration renforcée par le biais de partenariats afin de combler le déficit de financement pour les systèmes alimentaires durables et les petits exploitants agricoles, en particulier en Afrique.

Les intervenants suivants ont participé à la discussion :

  • Renato Godinho, conseiller spécial pour les affaires internationales, MDS, Brésil, Ministère des Affaires Etrangères – Alliance Mondiale Contre la Faim et la Pauvreté.
  • Nadia Martinez, responsable technique au FIDA
  • Vasco Molini, économiste principal au sein du Groupe de Pratique sur la Pauvreté à la Banque mondiale
  • Younes Addou, OCP
  • Cesare Kantarmaa, présidente du syndicat agricole rwandais INGABO.

Keynote : Renato Godinho (Conseiller spécial pour les affaires internationales, MDS, Brésil)

Renato Godinho a remercié le FIDA d’avoir organisé cet événement et a souligné l’importance de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté (GAAHP), une initiative menée par le Président Lula au moment où le Brésil prend la présidence du G20. Il a identifié le G20 comme la plateforme idéale pour lutter contre la faim et la pauvreté, l’Alliance devant être lancée lors du Sommet des dirigeants du G20 le 18 novembre.

M. Godinho a présenté les trois piliers de l’Alliance : la volonté politique, les connaissances et les ressources financières, soulignant qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle organisation, mais d’un mécanisme de rapprochement permettant de coordonner les efforts. Le succès de l’Alliance dépendra de la collaboration entre ses membres, car elle vise à garantir que les gouvernements créent des environnements favorables aux initiatives de financement tout en évitant de dupliquer leur travail.

Il a souligné l’expérience du Brésil en matière de soutien aux exploitations familiales par le biais de programmes de marchés publics et de mécanismes de soutien du marché. M. Godinho a également signalé l’incapacité de l’architecture financière internationale à donner la priorité à la lutte contre la faim et la pauvreté, en indiquant que seuls 8 % de l’aide publique au développement (APD) sont consacrés à ces questions et qu’une proportion encore plus faible est allouée à la production alimentaire et au financement de la lutte contre le changement climatique.

Nadia Martinez (Responsable technique, FIDA)

Nadia Martinez a rappelé le rôle essentiel des données financières pour relever les défis auxquels sont confrontés les petits exploitants agricoles. Elle a noté qu’une très petite partie du financement climatique atteint les petits agriculteurs malgré les engagements pris lors du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021.

En réponse, le FIDA a développé l’outil 3FS, conçu pour suivre ces engagements en examinant les flux financiers liés aux systèmes alimentaires aux niveaux national et mondial. Cet outil harmonise la terminologie du financement des systèmes alimentaires, ce qui facilite le suivi des budgets gouvernementaux, de l’aide publique au développement (APD) et des flux du secteur privé.

M. Martinez a également évoqué les travaux en cours du FIDA sur son Rapport sur le développement rural, dont le lancement est prévu en 2025. Ce rapport examinera la manière dont les systèmes alimentaires sont au cœur de la transformation rurale et la nécessité d’améliorer le suivi et le financement pour soutenir le développement rural durable.

Vasco Molini (économiste en chef, Global Practice, Banque Mondiale)

Vasco Molini a évoqué les efforts déployés par la Banque mondiale pour combler les lacunes en matière de statistiques agricoles, en particulier en Afrique subsaharienne, grâce à l’initiative « 50×2030 », un partenariat avec la FAO, le FIDA et la Banque mondiale. Cette initiative vise à réduire les lacunes en matière de données dans 50 pays d’ici à 2030, ce qui permettra d’élaborer des politiques publiques plus efficaces fondées sur des données factuelles.

M. Molini a souligné que les ressources financières ne suffisent pas à elles seules à susciter des changements radicaux. Les pays concernés doivent s’approprier leurs données et leurs politiques publiques, afin de pouvoir exploiter pleinement leurs ressources et leurs capacités locales. Il a également évoqué un projet en cours de la Banque mondiale, d’un montant d’un milliard de dollars, visant à améliorer les capacités statistiques en Afrique de l’Ouest et a insisté sur la nécessité d’une assistance technique continue de la part des agences de développement basées à Rome pour soutenir ce travail.

Cesare Kantarama (président du syndicat des agriculteurs rwandais INGABO)

Cesare Kantarama a relevé les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés du fait de leur exclusion des processus décisionnels, malgré le rôle essentiel de l’agriculture dans les économies nationales et les systèmes alimentaires. La mission d’INGABO est de renforcer les capacités techniques et économiques des agriculteurs, en collaboration avec le ministère rwandais de l’agriculture, le secteur privé et des organisations internationales telles que l’Union européenne et l’Organisation mondiale des agriculteurs.

Kantarama a insisté sur la nécessité d’impliquer directement les agriculteurs dans les décisions financières. Bien qu’INGABO ait réussi à négocier un taux d’intérêt réduit de 18 % pour les agriculteurs, elle a noté qu’il était possible de faire plus pour s’assurer que les mécanismes financiers s’alignent sur les besoins des agriculteurs. Elle a également appelé à un financement plus direct pour s’assurer que les projets puissent être mis en œuvre efficacement, sans les conditions restrictives qui accompagnent souvent le financement indirect.

Younes Addou (OCP)

Younes Addou a présenté les initiatives d’OCP visant à améliorer le financement des petits exploitants agricoles en Afrique. Il a souligné le partenariat d’OCP avec la Société financière internationale (SFI) pour créer la plateforme Agrifinance, qui vise à réduire les risques des chaînes de valeur agricoles en optimisant les mécanismes de partage des risques et les programmes de taux d’intérêt pour les petits exploitants.

Younes Addou a également rappelé l’importance de la collecte de données pour débloquer des financements pour les petits agriculteurs et a détaillé le soutien d’OCP aux startups de l’agritech et de la fintech afin d’améliorer l’accès aux données et aux financements. Il a également fait remarquer que l’agriculture et le climat sont interconnectés, en mettant en lumière la promotion par OCP du biochar comme moyen de permettre l’accès aux crédits de carbone.

Younes Addou a conclu en déclarant que l’Afrique est la clé pour relever les défis mondiaux en matière de sécurité alimentaire et de climat. OCP s’engage à favoriser les partenariats avec les organisations publiques, privées et philanthropiques, ainsi qu’avec les fondations, dans le but de créer un environnement propice à l’investissement pour l’agriculture africaine. Dans une approche non pas compétitive mais au contraire collaborative, il a souligné l’ouverture d’OCP à de nouveaux partenaires.

Si vous souhaitez discuter plus avant de la situation politique et comprendre son impact sur le climat des affaires, le cadre macroéconomique, ainsi que sur la politique régionale et internationale, n’hésitez pas à nous contacter.

Nous aidons nos clients à naviguer la politique et la finance, du local au global.