IMEEC : une immense ambition suspendue à l’apaisement des tensions au Moyen-Orient
Le projet IMEEC (India-Middle East-Europe Economic Corridor), dévoilé lors du G20 de septembre 2023, ambitionne de créer un corridor multimodal stratégique de 4800 km reliant l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe, intégrant chemins de fer, routes maritimes, pipelines et câbles à haut débit.
Il est ralenti cependant par l’aggravation des tensions géopolitiques au Moyen-Orient depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 et la guerre de Gaza, dont la fin est une condition sine qua non de la viabilité du projet. |
Un projet géoéconomique visant à contrebalancer les Nouvelles routes de la Soie chinoises
- Annoncé le 10 septembre 2023 à New Delhi lors du sommet du G20, le projet IMEEC (India-Middle East-Europe Economic Corridor) est une initiative de couloir logistique stratégique visant à renforcer les échanges commerciaux entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe.
- Ce corridor, qui implique neuf des plus grandes puissances économiques mondiales représentant près de la moitié du PIB global, ambitionne de consolider les flux commerciaux sur les axes Nord-Sud et Sud-Sud. Il prévoit un itinéraire combinant transport maritime depuis les côtes indiennes vers les Émirats arabes unis, suivi d’une liaison ferroviaire traversant l’Arabie saoudite, la Jordanie et Israël, avant de rejoindre l’Europe par voie maritime, notamment en Italie, en France et en Allemagne.
- D’un point de vue géostratégique, l’IMEEC apparaît comme une réponse occidentale à l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative, BRI), voulue par Xi Jinping. Au-delà de la concurrence commerciale, ce projet pourrait viser à contrebalancer la montée en puissance d’un bloc anti-occidental en formation autour des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), en consolidant les alliances économiques entre l’Occident et les partenaires clés du Moyen-Orient et de l’Inde.
Une opportunité pour l’Europe de renforcer ses relations économiques avec le géant indien
- Pour l’Europe, il s’agit d’une opportunité d’extension des routes commerciales existantes, et de revitalisation des flux de marchandises par la création de chemins de fer et de lignes maritimes reliant un plus grand nombre de partenaires.
- Ce projet ouvre la voie à une accélération de la libéralisation du commerce avec l’Inde, en capitalisant sur sa forte croissance économique, qui devrait considérablement intensifier les échanges avec l’Union européenne. Déjà premier partenaire commercial de l’Inde avec des échanges bilatéraux s’élevant à 136 milliards de dollars en 2022-2023, l’Union européenne est également son deuxième marché d’exportation avec 61 milliards de dollars d’exportations.
- À l’échelle globale, ce projet ne se limite pas à la création d’une route commerciale, mais vise à établir un véritable réseau énergétique. Il permettra de faciliter le commerce d’électricité issue de sources renouvelables tout en accompagnant ses participants dans leur transition énergétique. Un corridor dédié à l’hydrogène reliera ainsi les ports stratégiques de Dubaï, Djeddah et Haïfa, renforçant l’intégration des énergies renouvelables aux échanges internationaux.
Un contexte géopolitique tendu qui menace la viabilité du projet
- À l’est de l’Europe, les tensions en Ukraine incitent le bloc occidental à renforcer ses liens avec les pays du Sud, en misant sur l’Inde pour réduire la dépendance à Pékin. Les pays du Golfe, de leur côté, participent activement au projet avec l’ambition de se positionner comme un pont économique stratégique entre l’Europe et l’Asie.
- Le projet, encore en phase de lancement, a cependant été freiné par la guerre à Gaza, compromettant temporairement le rôle clé que Haïfa devrait jouer en tant que hub maritime. Cette situation a également mis en pause les espoirs de normalisation diplomatique entre Tel Aviv et Riyad.
- Par ailleurs, bien que les relations économiques entre Israël et les Émirats arabes unis n’aient pas été affectées pour l’instant, tout projet reliant la Jordanie à Israël se heurtera probablement à une vive opposition de l’opinion publique locale.
Si l’ambition pour ses promoteurs demeure, dans un contexte de compétition géostratégique toujours plus intense, la réalisation du projet, qui passe notamment par la Jordanie et Israël, reste pour le moment suspendu à l’apaisement des tensions au Moyen-Orient. Un horizon qui paraît, en vue des développements récents, particulièrement lointain. |
Marc Reverdin, Managing Director, mr@reverdin.eu
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